Avocats poitiers relation commerciale

Poursuivre une relation commerciale établie n’implique pas nécessairement de poursuivre l’exécution du contrat originel

(CA Paris, 12 octobre 2021, n°20/02342)

Il est de jurisprudence bien acquise qu’une relation commerciale établie peut être transférée entre deux opérateurs économiques (par exemple entre sociétés d’un même groupe ou à l’occasion de la reprise d’une activité), le nouvel opérateur pouvant être jugé comme ayant remplacé un partenaire au sein d’une relation établie lorsqu’il s’est substitué à ce dernier en maintenant les courants d’affaires avec l’autre partenaire.
Cette transmission de la relation commerciale établie entre deux opérateurs qui se succèdent a son importance lorsqu’il s’agit d’apprécier l’ancienneté de la relation, la durée de la relation commerciale devant être prise en compte à l’occasion de sa rupture pour fixer un délai de préavis suffisant au regard de l’article L.442-1 II du code de commerce (anciennement L.442-6 I 5°), sous peine de voir sa responsabilité engagée pour rupture brutale de relation commerciale établie.
La poursuite de la relation commerciale établie implique-t-elle nécessairement l’opposabilité au nouvel opérateur des stipulations contractuelles convenues à l’origine entre les partenaires ?
La Cour d’Appel de Paris vient de répondre par la négative.
Dans l’espèce soumise à la juridiction, une relation commerciale avait été initialement établie entre un fabricant et un distributeur, sur la base d’un contrat comportant notamment une clause d’exclusivité. Le contrat, conclu pour une durée déterminée de 3 ans, s’était poursuivi par tacite reconduction. En cours d’exécution, le fabricant avait été remplacé dans la relation par une société appartenant au même groupe. Le nouveau fabricant avait fini par notifier au distributeur la rupture du contrat de distribution avec un préavis de 6 mois.
Le distributeur invoquait la poursuite de la relation commerciale originelle par le nouveau fabricant pour contester le délai de préavis de 6 mois qu’il estimait insuffisant au regard de l’ancienneté des relations. Il invoquait également une violation de la clause d’exclusivité prévue dans le contrat conclu avec le fabricant originel.
La Cour d’Appel de Paris a considéré que la relation commerciale originelle avait été poursuivie par le nouveau fabricant, de sorte qu’il convenait de tenir compte de l’ancienneté des relations depuis leur origine pour apprécier le délai de préavis à respecter à l’occasion de la rupture (en l’occurrence, le préavis de 6 mois a été considéré comme suffisant).
En revanche, la Cour d’Appel a refusé d’appliquer les dispositions du contrat conclu avec le fabricant originel (et notamment la clause d’exclusivité) à la relation poursuivie avec le nouveau fabricant, à défaut pour celui-ci d’avoir manifesté une intention de maintenir l’application des stipulations contractuelles convenues avec le fabricant originel.
La Cour d’Appel a ainsi jugé : « si l’existence d’une clause contractuelle d’exclusivité n’est pas contestée [dans le contrat originel], la poursuite par [le nouveau fabricant] de la relation commerciale initialement nouée entre [le distributeur et le fabricant originel] n’a pas eu pour effet de maintenir la clause d’exclusivité, sauf pour les parties à démontrer une intention contraire ».
Il convient donc de distinguer, d’une part, la relation commerciale établie, qui peut se poursuivre implicitement d’un opérateur à un autre et, d’autre part, la relation contractuelle d’origine, qui n’est reprise à son compte par le nouvel opérateur que par la manifestation d’une intention en ce sens.
Le nouvel opérateur qui poursuit une relation commerciale établie n’est donc pas nécessairement tenu aux modalités contractuelles de la relation originelle, à défaut de manifester une intention en ce sens.
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